“Shelter in the folds of the coat lining, collections of some year”, Victoria Kosheleva, Paris

27 octobre - 13 novembre 2022

“Shelter in the folds of the coat lining, collections of some year”

La galerie Hors-Cadre est heureuse de présenter l’exposition « Shelter in the folds of the coat lining, collections of some year » de l’artiste peintre Viktoria Kosheleva.

« Cette foule hagarde ! Elle annonce : Nous sommes la triste opacité de nos spectres futurs ! » Stéphane Mallarmé, Toast Funèbre, Nouvelle Revue française, 191

À l’entrée de la grotte, les torches mal éteintes des hallucinations veillent encore et semblent prudemment inviter le spectateur au dévoilement d’une intimité révélée. Le regard est tourné vers l’intérieur. Le tout n’étant pas seulement de s’y engouffrer mais de prendre le temps nécessaire : engager votre souffle et laissez vous totalement aspiré par le courant mythologique de Victoria Kosheleva.

Dans les feuillages de son subconscient, les fantasmes et les souvenirs se chevauchent. Les personnages errent dans ce bocal d’entrailles comme des êtres inconsistants et pourtant si insistants… L’artiste invoque le concept philosophique d’Hantologie pensé par Jacques Derrida puis Mark Fisher. Il faut le voir comme un champ d’expérience inédite où l’on doit accepter la possibilité que les morts reviennent et hantent notre présent. Dès lors, il ne faut plus penser la vie comme pleine présence, mais comme une présence entamée par l’absence.

Une myriade de temporalités est diluée dans l’exposition. Les visions construites des peintures dialoguent avec les apparitions fugaces des aquarelles. Elles sont ici des fragments, des personnages récurrents qui habiteront ensuite les paysages mentaux brossés sur les toiles. Éprise d’un expressionnisme sensuel, l’artiste délie ses gestes et libère les monstres. Les spectres colorés surgissent du passé en traversant les ponts temporels : les couleurs acides comme le vert et le violet utilisés dans les années 70 colonisent le présent.

Les titres comme des semences de vérité sont proposés pour aiguiller les sens. À l’abri dans les plis du monde, ils nous entrouvrent des espaces parallèles, des « safe places » pour reprendre le discours de l’artiste. « Les souvenirs forment des fils tissant leurs propres cocons. Le concept de safe place est la recherche d'un lieu sûr dans les plis de l'histoire des événements et des personnages sortis de leur contexte. C’est une évasion dans laquelle j'emmène le spectateur (…). Il y a plusieurs couches dans mon travail : l’émotion, les couleurs puis la révélation, la composition profonde : les héros et les archétypes. L’acte de création est un endroit où je peux être moi-même et continuer à vivre, c’est l'espace réel où je peux me rencontrer. » Ce tête-à-tête avec elle-même qui jongle entre les écrans contemporains et les résurgences du passé est aussi finalement un miroir de l’époque. Les oeuvres cristallisent ses fantasmes, ses peurs et deviennent peu à peu des amulettes chargées de son essence.

Dans un contexte actuel de crise, la recherche de l’intérieur et l’appel aux spectres sont essentiels et salvateurs : ils réparent les maux et transforment les êtres. Ils permettent le réenchantement du monde et l’ouverture du coeur à l’ineffable. L’expression plastique de l’artiste comme l’historien

Jean Clair le rappelait en parlant du symbolisme est « une sorte d’ersatz de religion, un culte de l’esthétisme chargé de spiritualité », une nécessité pour l’âme.

Elise Roche

* Abri dans les plis de la doublure du manteau, collections d'une certaine année.


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